Wednesday, 11 May 2011

Transat Benodet-Martinique : Le Film de la Course




2ème devenue 1ère : Thomas Rouxel (Bretagne-Crédit Mutuel Performance). Image copyright Alexis Courcoux.

par Florence Clisson

Nouveau parcours, nouvelle destination et nouvelle génération... dès le coup de canon donné au large de la Cornouaille, la Transat Bénodet - Martinique avait tout pour se distinguer. Avec un plateau de dix-sept engagés dont la plupart pouvait prétendre à la victoire finale et la promesse d'une belle bagarre, l'affiche laissait augurer du meilleur. Seize jours durant, les solitaires auront tenu leur monde en haleine, se livrant à une cavalcade atlantique propre à déjouer les lois du suspense. Au terme d'un final époustouflant et d'une transatlantique expresse digne de rentrer dans le livre des records, du premier au dernier concurrent, tous auront fait de cette première édition une aventure qui restera longtemps dans les esprits

10 avril
: A 14 heures pétantes, après un ultime briefing météo et les traditionnels adieux sur les pontons, les dix-sept solitaires engagés dans cette première édition de la Transat Bénodet – Martinique s'élancent. Trois hommes s'octroient les premiers honneurs : Jean-Paul Mouren (Groupe SNEF), le doyen de la course, auteur du meilleur départ, Nicolas Lunven (Generali), premier à virer la bouée de dégagement, puis Gildas Morvan (Cercle Vert), aux commandes à la sortie de la baie de Bénodet.

11 avril : Les solitaires progressent sur la route à plus de 9 nœuds, sous spi, poussés par un vent de 15-20 nœuds. Dans ces conditions, c'est bien sûr la vitesse qui prime. Tous sont donc concentrés sur les réglages. Ils enchaînent les manœuvres avec précision et passent un maximum de temps à la barre. Du Nord au Sud, au gré de légers décalages, chacun s'attache à caler son sillage et se prépare à négocier le premier obstacle : un coup de vent annoncé au large du cap Finisterre.

12 avril
: Après 48 heures de course dans cette Transat Bénodet - Martinique, les solitaires sont définitivement entrés dans le vif du sujet au large de la pointe Nord Ouest de l'Espagne. Soumis à des vents violents et une mer hachée, la plupart avoue souffrir de ces conditions plus que musclées. Le flux de Nord Nord Est soufflant 6 voire 7 Beaufort les plonge en effet dans une machine à éprouver les hommes et le matériel.

13 avril
: Partis depuis trois jours de Bénodet, les solitaires avalent les milles - 240 en 24 heures pour les premiers - et affichent des moyennes très élevées à bord de leurs monotypes. Après un épisode musclé au large du cap Finisterre, les dix-sept marins pansent leurs plaies et renouent avec le plaisir de la glisse. Dans des conditions de vent de retour à la modération et l'anticipation d'une phase de transition sensible, sonne l'heure des premiers placements pour une flotte toujours emmenée par le tenant du titre, Gildas Morvan (Cercle Vert).

14 avril : Confrontés à des vents aussi capricieux en force qu'en direction, les solitaires sont saisis du contraste avec les conditions rencontrées les jours précédents. A bord des Figaro Bénéteau 2, on en profite pour procéder à la remise en ordre des montures et à la récupération. En tête de la flotte, les gros bras tiennent le rythme et trustent tour à tour la plus haute marche du podium.


Les bateaux en Martinique. Image copyright Alexis Courcoux.

15 avril : A la faveur d'un petit décalage, le groupe des "sudistes" prend les devants, offrant au bizuth Frédéric Rivet (Vendée 1) les honneurs du classement, devant Eric Péron (Macif 2009) et Nicolas Lunven (Generali). De retour à des conditions de navigations bien plus propices à un gain sur la route, les solitaires soufflent un peu et tentent de reconstituer leur capital sommeil. L'épisode de pétole est derrière eux, mais devant, la succession de deux dépressions annonce des heures plus sombres.

16 avril
: 25 à 30 nœuds de portant, une mer formée qui force à privilégier la conduite, c'est une journée placée sous le signe de la glisse que connaît la flotte à l'approche de l'archipel des Açores. A l'exception du cas isolé représenté par le Portugais Francisco Lobato (Roff), il n'est plus question de décalages, le contournement imposé de la dépression açoréenne par le Nord ayant resserré les troupes, jusqu'à relancer le jeu.

17 avril : une semaine de mer déjà et des fortunes diverses au sein de la flotte des dix-sept marins. Ainsi, si pour une majorité de solitaires, ce dimanche est dominé par la satisfaction d'une navigation rapide au portant et l'appréciation du caractère définitivement indécis de l'issue de la partie, pour d'autres, l'heure est à la gestion de l'urgence matérielle. C'est notamment le cas pour Frédéric Rivet (Vendée 1) dont l'étai s'est rompu durant la nuit mais qui reste en jeu.

18 avril : Confrontés à des vents de Nord Nord Est soufflant 35 nœuds avec rafales à 45 nœuds, les concurrents doivent progresser avec une réelle prudence dans une mer souvent très formée et faire le dos rond. Victime malheureuse de cette dépression secondaire, le Figaro Bénéteau d'Eric Drouglazet (Luisina) a démâté à 14h40 (heure de Paris). Sain et sauf, le skipper fait route au moteur à vitesse réduite, vers l'Est.

19 avril : C'est la mi-course en terme de milles restant à parcourir, et l'heure de dresser quelques premiers bilans qui impriment l'implacable constat d'une souffrance des hommes et des machines. Le gros temps qui a secoué les marins jusqu'aux heures avancées de la matinée commence à s'éloigner de la flotte et permet à chacun de renouer avec des conditions plus clémentes. Mais les traces laissées sont indélébiles pour beaucoup.

20 avril : Changement de rythme avec l'entrée de la flotte dans les Alizés. Ce nouveau décor n'en plonge pas moins les solitaires dans de nouvelles problématiques, à commencer par la gestion des grains sur la route vers la Martinique. Avec un vent de secteur Nord Est pouvant varier Est Nord Est force 6, les concurrents bénéficient toutefois de conditions encore relativement stables, leur permettant de poursuivre leur trajectoire toujours aussi rapide dans l'Ouest.

21 avril : Gagnant en stabilité, tant en force qu'en direction, le flux d'Est-Nord-Est permet à la flotte d'allonger la foulée vers les Antilles et de maintenir de belles moyennes. En tête, Erwan Tabarly (Nacarat) exploite de très belle manière l'angle favorable et le supplément de pression dont il dispose à ce moment. Mais derrière lui, Fabien Delahaye (Port de Caen Ouistreham) et Thomas Rouxel (Bretagne - Crédit Mutuel Performance) sont à l'affût.

22 avril
: Nouveau leader (Fabien Delahaye, Port de Caen Ouistreham), passage sous la barre symbolique des 1000 milles restant à parcourir, rotation de l'alizé à l'Est Sud-Est : voilà comment résumer ce vendredi. Une journée efficace puisque tous les concurrents peuvent courir rapidement et confortablement sur la route directe.

23 avril : Petit à petit, les effets de la dépression qui s'active à mi-chemin entre les Antilles et les Bermudes se font sentir par les concurrents de la Transat Bénodet-Martinique. Depuis la veille au soir, le vent devient de plus en plus instable. Les solitaires entrent dans une zone orageuse synonyme de vents violents et de fortes pluies.

24 avril : La perturbation associée à la dépression orageuse présente sur les Antilles est finalement moins handicapante que prévu. Le vent n'a pas chuté en dessous des 10 nœuds plus de deux heures avant de se renforcer autour de 15-18 nœuds. Rien de douloureux donc pour les solitaires. A l'inverse, ce petit coup de mou du vent leur permet « de respirer un peu ».

25 avril : La météo instable qui règne sur la fin du parcours apporte son lot de rebondissements et vient modifier le scénario de cette Transat Bénodet – Martinique à une trentaine d'heures du dénouement final. Ce lundi de Pâques voit en effet le retour express de Nicolas Lunven (Generali) et Jeanne Grégoire (Banque Populaire) sur le trio Tabarly/Rouxel/Delahaye. Légèrement décalés au nord, les deux marins bénéficient de plus de pression que leurs adversaires et profitent d'un meilleur angle pour rejoindre le sud de la Martinique.

26 avril : A 13h 05min 05 sec (heure locale) soit 19h 05min 05sec (heure de Paris), Nicolas Lunven (Generali) est le premier à franchir la ligne d'arrivée de la première édition de la Transat Bénodet - Martinique au terme d'un final qu'on avait rarement connu aussi haletant et sujet à rebondissements. Il devance Thomas Rouxel (Bretagne – Crédit Mutuel de Bretagne) et Erwan Tabarly (Nacarat), respectivement 2e et 3e.

27 avril : Après le final époustouflant donné la veille par les cinq premiers, les arrivées se succèdent à Fort-de-France. L'euphorie laisse cependant la place à des sentiments plus contrastés sur les pontons martiniquais. Si certains ne cachent pas leur satisfaction d'avoir bouclé cette transat menée tambour battant avec l'impression du travail bien fait, d'autres avouent leur frustration de ne pas avoir pu jouer aux avant-postes, souvent la faute à des blessures ou à des avaries.

28 avril : A 05h 22min 44s (heure martiniquaise), le seizième et dernier concurrent de cette Transat Bénodet – Martinique, Yannig Livory (One Network Energies), passe la ligne d'arrivée. Le flotte des Figaro Bénéteau 2 est au complet à la pointe Simon.


Le podium : 1er Thomas Rouxel (Bretagne-Crédit Mutuel Performance), 2ème Fabien Delahaye (Port de Caen Ouistreham), 3ème Erwan Tabarly (Nacarat). Image copyright © Alexis Courcoux.

2 mai : Le jury nommé par la Fédération Française de Voile se réuni et rend ses jugements. Nicolas Lunven (Generali) écope d'une pénalité de 35 minutes pour avoir été contrôlé au départ de Bénodet avec un contenant pouvant recevoir du liquide venant en dépassement des 25 litres autorisés par la jauge. Il en va de même pour Anthony Marchand (Bretagne Crédit Mutuel Espoir) et Francisco Lobato (Roff). Erwan Tabarly (Nacarat) se voit infliger 17 minutes et 30 secondes de temps supplémentaire suite à la rupture des deux plombs empêchant le déplacement du radeau de survie.

Transat Benodet-Martinique